Traitement fiscal du droit d'habitation et de l'usufruit dans le droit genevois
A est au bénéfice d’un droit d’habitation dans le canton de Genève, depuis le 19 mars 1997. Le droit a été inscrit au Registre foncier et les deux enfants de A, B et C, sont propriétaires de l’immeuble à parts égales. L’administration fiscale du canton de Genève a inclus ledit immeuble dans la fortune d’A pour la période fiscale de 2016, et lui a réclamé le paiement de l’impôt immobilier complémentaire à ce titre. A a fait recours contre cette décision, en soutenant que l’impôt ne devait pas être prélevé auprès d’elle, mais bien auprès de ses enfants, B et C.
L’impôt sur la fortune est harmonisé par la LHID. Selon l’art. 13 al. 2 LHID, la fortune grevée d’un usufruit est imposable auprès de l’usufruitier. Dans tous les autres cas, l’impôt doit être prélevé auprès du propriétaire. La règlementation harmonisée concernant l’attribution fiscale des éléments de fortune s'impose aux cantons afin de créer un système cohérent et éviter une double imposition. En l’espèce dans le canton de Genève, l’impôt sur la fortune est régi par la loi cantonale sur l’imposition des personnes physiques (LIPP). A l’instar de la LHID, la LIPP ne prévoit pas de règle d’attribution générale des éléments de fortune et précise uniquement à son art. 48 LIPP que la fortune grevée d’usufruit et imposable auprès de l’usufruitier. En ce sens, le droit cantonal est donc conforme à la loi d’harmonisation. Selon le tribunal cantonal, l’art. 48 LIPP s’applique également au droit réel d’habitation, car en vertu de l’art. 21 L. 1 let. e LIFD, en cas de droit d’habitation octroyé à titre gratuit, c’est le titulaire du droit, et non le propriétaire, qui est imposé sur la valeur locative de l’immeuble. Il en déduit que le titulaire du droit d’habitation gratuit peut devoir payer l’impôt sur la fortune en lien avec ledit immeuble. Le tribunal cantonal estime par ailleurs qu’il est cohérent de taxer le titulaire du droit, puisque, comme pour l’usufruit, le droit d’habitation lui attribue un « usage illimité » sur la partie grevée, équivalent d’un droit d’usage du propriétaire. La recourante fait valoir que la lettre de l’art. 48 LIPP s’arrête à l’usufruit, à l’instar de l’art. 13 al. 2 LHID. Est litigieuse la question de savoir si la disposition peut être interprétée de telle manière à englober le droit d’habitation, ou si elle n’avait pour finalité que de circonscrire ses effets à l’usufruit. Le TF estime toutefois que le droit d’habitation n’est pas comparable à l’usufruit dans le cadre de l’art. 13 al. 2 LHID, car le droit d’habitation ne permet pas à son titulaire de louer le bien, car l’usage du droit d’habitation est incessible. Partant, le droit d’habitation ne confère pas à son titulaire un droit de jouissance sur l’immeuble comparable à celui de l’usufruit. Au surplus, les enjeux de l'art. 21 al. 1 let. b et de l'art. 13 al. 2 LHID sont également incomparables. Le premier cas traite d’une problématique d'impôt sur le revenu, alors que le second cas traite d’une problématique d’impôt sur la fortune. Le TF estime qu’on ne peut dès lors rien tirer de l'art. 21 al. 1 let. b LIFD pour l'application de l'art. 48 LIPP. Enfin, le TF relève que l’absence de disposition expresse concernant l’attribution fiscale d'un immeuble grevé́ d'un droit d'habitation à son titulaire ne procède pas d’une lacune proprement dite. Partant, le recours a été admis.