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Janvier 2024 - TF 9C_102/2023 - Arrêt du 2 novembre 2023 - prévu à publication

Impôt successoral – méthode bernoise de répartition intercantonale contraire au principe constitutionnel de l’interdiction de la double imposition intercantonale

C est décédée en 2019 dans le canton de Vaud. Par testament, elle a institué comme héritiers ses deux neveux à parts égales entre eux. La masse successorale se composait d’une fortune mobilière de CHF 2.6 mio et d’un immeuble dans le canton de Berne dont la valeur d’estimation fiscale était de CHF 3.4 mio et de CHF 5.3 mio après application du coefficient de la Circulaire n°22 CSI. Le total des dettes se montait à CHF 2.1 mio, soit une masse successorale nette totale de CHF 5.8 mio après attribution des dettes selon le coefficient de la Circulaire n°22 CSI. L’ACI a imposé les cohéritiers sur une masse successorale nette de CHF 1.9 mio alors que l’Administration fiscale bernoise a imposé les cohéritiers sur une masse successorale nette de CHF 3.9 mio, soit CHF 1.9 mio par cohéritier (immeuble valorisé à CHF 3.4 mio, dont à déduire CHF 1.4 mio de dettes et ajout du montant de la fortune mobilière nette attribuée au canton de Vaud). Elle a ensuite appliqué au montant d’impôt dû (CHF 257'000.-) la quote-part de répartition attribuée au canton de Berne (67%) pour déterminer le montant final dû par chaque héritier (CHF 172'000.-). Les cohéritiers recourent au Tribunal fédéral contre cette décision de taxation. Selon eux, l’assiette fiscale nette bernoise doit être fixée à CHF 2 mio. 

Le principe de l'interdiction de la double imposition intercantonale (art. 127 al. 3 Cst.) est applicable aux impôts sur les successions perçus par les cantons. S’agissant du partage de la souveraineté fiscale, la jurisprudence du Tribunal fédéral prévoit que le prélèvement d'un impôt successoral sur la fortune mobilière revient au canton de domicile du de cujus alors que le canton de situation de l'immeuble peut percevoir l'impôt sur celui-ci. Lorsque le défunt laisse un immeuble situé hors du canton de domicile, il y a lieu de procéder à une répartition intercantonale entre celui-ci et le canton du lieu de situation de l'immeuble. Dans ces cas, les cantons sont tenus de prendre en compte la valeur de répartition déterminée à l'aide des facteurs de correction prévus par la Circulaire n°22 CSI. La fortune immobilière est alors séparée objet par objet, évaluée sur la base de la valeur de répartition et attribuée au canton de situation. Ensuite, une quote-part est déterminée en fonction de la répartition des actifs entre chaque canton et les dettes sont réparties en fonction de cette quote-part, puis déduites de la fortune brute. L'utilisation de tels facteurs permet de fixer la valeur des immeubles de manière conforme au marché et d'éviter une discrépance trop importante avec la valorisation des biens mobiliers. Sous cette réserve, les cantons demeurent en principe libres de calculer la succession nette imposable selon leurs propres règles d'évaluation cantonales en vue de la fixation de l'impôt successoral. Le Tribunal administratif du canton de Berne considère qu'en cas de répartition intercantonale dans le domaine de l'impôt successoral, chaque canton concerné demeure légitimé à imposer chaque part successorale à hauteur de sa quote-part calculée sur l'ensemble de la succession, et ce à hauteur de la quote-part lui revenant. En présence d'un immeuble dans les actifs successoraux, la quote-part de l'imposition à laquelle un des cantons concernés peut prétendre doit être calculée sur la valeur de tous les actifs de la succession, nonobstant le lieu de situation des immeubles faisant partie de la succession. En résumé, cette solution ne viole par art. 127 al. 3 Cst. et le canton de Berne est en droit d'imposer un pourcentage défini de l'ensemble des actifs de la succession en cause, correspondant à la valeur de l'actif situé dans ce canton. Le Tribunal fédéral rappelle que sa méthodologie en matière de répartition intercantonale est identique à celle développée dans l’ATF 148 I 65 qui, bien qu’il concerne l’impôt sur la fortune, est similaire dans son principe à celle utilisée par la jurisprudence en matière d’impôt successoral. Ainsi, il convient en premier lieu de répartir les actifs mobiliers et immobiliers selon les règles de répartition posées par la jurisprudence. Puis, la valeur des immeubles est adaptée à l'aide des facteurs de correction issus de la Circulaire n°22 CSI. Enfin, une quote-part en fonction de la répartition des actifs entre chaque canton doit être établie et les dettes doivent être réparties en fonction de cette quote-part, puis déduites de la fortune brute pour obtenir la masse successorale nette. Les parties divergent sur l'interprétation à donner à la jurisprudence fédérale sur laquelle se fonde l'Administration fiscale bernoise pour affirmer que le canton de Berne reste libre de déterminer la masse successorale, en fonction de ses propres règles d'évaluation. Il convient de la préciser comme suit, eu égard aux développements jurisprudentiels en matière de répartition intercantonale dans le domaine de l'impôt sur les successions, en particulier quant à l'obligation de prendre en considération les facteurs de correction de Circulaire n°22 CSI. Les cantons demeurent libres de définir la notion de masse successorale soumise à leur impôt cantonal sur les successions et peuvent ainsi décider quels éléments la compose. Ensuite, les cantons continuent de pouvoir évaluer, selon leur droit cantonal, les biens formant la masse successorale, étant toutefois précisé que les valeurs retenues doivent se rapprocher de la valeur vénale au sens de l'art. 14 al. 1 LHID tant pour les biens mobiliers qu'immobiliers. L'estimation de ces valeurs doit être obtenue de manière cohérente sur la base d'une méthode identique tant au niveau intracantonal qu'intercantonal. S'agissant de la répartition intercantonale, les cantons sont tenus de se référer, pour la détermination de la valeur des biens mobiliers, à l'estimation effectuée par le canton du dernier domicile car celui-ci dispose d'une meilleure vue d'ensemble. Enfin, les cantons sont habilités à procéder à des déductions sur la masse successorale nette qui leur revient, comme une déduction personnelle. En l’espèce et après vérification du calcul effectué par le Tribunal administratif conformément aux principes développés ci-dessus, il s’avère qu’il s’est écarté des critères de répartition posés par la jurisprudence et qu’il a violé le principe constitutionnel de l’interdiction de la double imposition intercantonale. En effet, l’assiette imposable revenant au canton de Berne, déterminée selon la méthode précisée ci-dessus et qui permet d’éviter la double imposition, ne s’élève pas à CHF 3.9 mio mais à CHF 2 mio. La cause est renvoyée à l’Administration fiscale bernoise afin qu’elle rende une nouvelle décision en tant compte d’une assiette fiscale imposable dans le canton de berne de CHF 2 mio.