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Décembre 2023 - TF 2C_856/2021 - Arrêt du 27 septembre 2023 - prévu à publication

LDFR – Révocation d’une autorisation d’acquérir, délai pour la rectification du registre foncier

Suite à la délivrance d’une autorisation d’acquérir par la Commission foncière agricole genevoise (ci-après « la Commission ») le 18 octobre 2011, A achète, le 13 décembre 2011 et par acte notarié, deux parcelles à l’association B. Près de dix ans plus tard, par décision du 12 janvier 2021, la Commission révoque l’autorisation (sur la base de l’art. 71 al. 1 LDFR) qu’elle avait délivrée au motif que A a fourni de fausses indications, car il n’a jamais eu l’intention d’exploiter à titre personnel les parcelles et ne l’a de fait jamais fait. En conséquence, le 11 mai 2021, la Commission ordonne la rectification du registre foncier (ci-après « RF »), à savoir la réinscription de l’association B en tant que propriétaire des parcelles litigieuses. A dépose un recours et soutient, en substance, qu’une rectification du RF ne peut intervenir qu’en présence d’un acte juridique nul, ce qui implique que la décision de révocation de l’autorisation d’acquérir soit entrée en force. D’après le recourant, si tel est le cas, la prescription de dix ans prévue à l’art. 72 al. 3 LDFR, relative à la rectification du RF, est atteinte, puisque plus de dix ans se sont écoulés depuis l’acte de vente au moment de la rectification du RF.

Le Tribunal fédéral examine ce grief. Tant l’art. 71 al. 2 que l’art. 72 al. 3 LDFR prévoient un délai de prescription de dix ans, respectivement pour la révocation de l’autorisation d’acquérir et la rectification du RF. Une interprétation coordonnée et littérale de ces dispositions fait naître une insécurité juridique qui n’est pas souhaitable : dans l’hypothèse où l’ordre de rectification du registre foncier est donné postérieurement – et non simultanément – à la décision de révocation de l’autorisation (comme en l’espèce), il pourrait ne pas être transcrit dans le RF. Le Tribunal fédéral s’attèle donc à examiner plus en avant ces dispositions afin de mieux les interpréter. Regardant dans un premier temps du côté historique, le Tribunal fédéral constate que le système de l’autorisation d’acquérir n’était que partiellement prévu dans le Message du Conseil fédéral, et que ce dernier a pleinement émergé lors de la phase parlementaire. Le Tribunal fédéral décortique donc les changements entre les dispositions telles que proposées par le Conseil fédéral et celles finalement retenues au terme de la phase parlementaire. Au terme de son analyse, il apparaît que le délai de dix ans prévu à l’art. 72 al. 3 LDFR ne trouve application que lorsque la rectification du RF concerne une inscription reposant sur un acte nul au sens de l’art. 70 LDFR. Dans le cas d’une autorisation obtenue en fournissant de fausses indications, il convient de révoquer celle-ci dans le délai de dix ans prévu à l’art. 71 al. 2 LDFR. La rectification du RF qui suit une telle révocation n’est pas soumise au délai de l’art. 72 al. 3 LDFR car ce dernier vaut uniquement pour l’inscription reposant sur un acte nul. Une telle interprétation correspond, d’après le TF, au projet du Conseil fédéral et permet d’éviter l’insécurité juridique susmentionnée. L’interprétation systématique corrobore ce résultat : le commentaire de l’art. 71 LDFR, dans le Message du Conseil fédéral, fait référence à l’art. 661 CC. Cette disposition prévoit que les droits de celui qui a été inscrit sans cause légitime au registre foncier comme propriétaire d’un immeuble ne peuvent plus être contestés lorsqu’il a possédé l’immeuble de bonne foi, sans interruption et paisiblement pendant dix ans. Si le TF suivait le grief du recourant, et admettait l’application de l’art. 72 al. 3 LDFR dans le cas d’espèce, cela aurait pour effet de protéger le possesseur de mauvaise foi en lui accordant une protection plus importante que celle prévue dans le droit civil.

Dès lors que le délai de l’art. 72 al. 3 LDFR ne trouve pas application, et que le délai de l’art. 71 al. 2 LDFR a été respecté, le grief est mal fondé et le recours rejeté.